dimanche 4 décembre 2011

Le jour où ça a changé



Cette nouvelle rubrique, pour expliquer simplement comment notre vie peut instantanément basculer sur un acte violent ou banal ou sur une série d ‘accumulation ou d’incompréhension.

Ce qui vient à évoquer ce que sont les modèles effecteurs chers à la psychanalyse, et que je développerai dans un article futur.

Combien notre vie, celle des proches que nous observons, est émaillée de ces jours souvent terribles, parfois remarquables où le jour, l’instant d’après n’est plus le même, où je ne suis plus le même à.. Jamais ?  Pas si sûr.



Le jour où ça a changé -épisode 1-


- Ce mardi 8 Octobre, Mme Robert et Jeremy son fils de 15 ans se disputent  fortement à propos d’une broutille d’ailleurs, comme toujours dans ces cas là. Jérémy part à 7h30 en claquant la porte prendre son scooter pour aller au lycée à 15 Km de leur domicile. Madame Robert rumine son agacement tout en vaquant à ses occupations matinales, lorsqu’à 9 h, un coup de sonnette la ramène brusquement dans la réalité. Elle voit en ouvrant la porte du vestibule deux gendarmes l’air grave,  la regardant tristement. Instantanément son corps sent quelque chose. Elle esquisse un sourire et avant de dire quoique ce soit, le gendarme le plus âgé lui dit : « Madame Robert j’ai une nouvelle grave. Pouvons-nous entrer ? ». Il est arrivé un accident à Jeremy. Madame Robert parvient juste à s’asseoir.  « Un accident grave ? » bredouille t’elle, et le gendarme qui ne sait mieux répondre, dit : « Un accident de scooter à trois kilomètres d’ici, il n’y a plus rien à faire, les pompiers et le Samu n’ont rien pu faire. »


- Jean, 8 ans, bon élève habituellement, en classe de CE2, assis au premier rang, attend non sans anxiété le remplaçant de son instituteur parti subir une légère intervention absent deux semaines. La porte de la classe s’ouvre, le directeur présente une femme : « Voici Madame Ardouin votre nouvelle enseignante, vous pouvez vous rassoir ». Aussitôt, Jean se sent mal à l’aise. Il a chaud, mais ne sait pourquoi (Peut-être est ce le parfum qui ressemble à celui de patchouli qu’utilise à forte dose cette grand mère qu’il n’aime pas ? Et puis elle a le même chignon qu’elle, mais cela, il ne le pense pas encore) Madame Ardouin s’installe, puis dit : « Je vais faire une petite évaluation de votre classe en vous posant quelques questions. » Jean habituellement, aime bien cela avec son instituteur. Il ne voit pas venir la première question, c’est Martin qui y répond brillamment. Aussi, il se précipite en levant automatiquement le bras, mais trop vite : il n’a pas tout compris. C’est une question de géographie, il répond au hasard, ce qu’il ne fait jamais. Madame Ardouin se campe devant lui en riant très fort, et en apostant la classe : « Mais regardez moi celui là, c’est le cancre de la classe ou quoi ? Il dit n’importe quoi! Comment tu t’appelles ? Jean ?  et bien je peux te dire mon pauvre petit que tu n’iras pas loin dans la vie .


-Julia, 6 ans, comme tous les vendredis soirs, attend son Papa avec impatience. Elle a bien rangé sa chambre, au cas où il viendrait jouer avec elle. Elle sait qu’il est fatigué de sa semaine de travail, occupé qu’il est avec son métier de commercial à parcourir les routes de toute la région. Comme tous les vendredi, elle s’est mise à la table de la cuisine avec ses crayons de couleurs, pour lui faire encore le plus beau dessin de sa vie. Elle y met tout son cœur, et cela se voit à travers l’éclatement de toutes les couleurs. Ça y est, elle voit, perchée sur la chaise de la cuisine, la voiture qui enfin se gare sur le parking de l’immeuble. Des minutes très longues, puis enfin Papa entre avec ses deux valises. Elle se précipite dans ses bras comme tous les vendredi, lui glisse le dessin dans la main. Comme d’habitude : « Salut ma puce », dit il en l’embrassant, puis il se dirige vers son épouse qu’il enlace, en déposant sans le regarder, comme tous les vendredis soirs sur la table de la cuisine, le plus « joli dessin de sa vie »  de Julia. Samedi matin elle l'a vu "le plus joli dessin de sa vie"... Dans la poubelle de la cuisine, et chiffonné! Et ce jour n’est pas le même, plus jamais le même! Aujourd’hui, elle l’a vu. D’ailleurs Depuis elle ne fait plus le plus « joli dessein de sa vie»  et plein d’autres choses non plus…

Madame Robert, Jean, Julia, comme nous d’ailleurs, ont vécu un jour où ça a changé. Il y en plein des jours comme cela où nous ressortons le lendemain différents. C’est là que s’organisent les modèles effecteurs, qui nous imposent des comportements qui ne sont pas de réels choix et auxquels nous ne pouvons réellement changer, échapper ou alors au prix d’efforts incommensurables qui ne peuvent tenir la durée temporelle. Ces comportements peuvent devenir pathologiques, névrotiques  et c’est le domaine privilégié de la psychanalyse de les identifier pour les faire disparaître ou les atténuer.

Qui a le plus souffert ? De quel droit, et comment peut-on hiérarchiser la souffrance ?

Les souffrances qui en résultent peuvent surprendre le quidam dans les conséquences qu’elles organisent. De nos trois histoires réelles, il est surprenant de voir comment l’inconscient s’est réorganisé autour et ce que cela a généré !

Madame Robert, Jean, Martin, Julia, sont bien évidemment des appellations d’usage et ne peuvent en aucun cas rappeler qui que ce soit, même si cela s’est revécu sur mon divan . 

3 commentaires:

  1. Vraiment super votre article !

    Et toujours aussi intéressant, c'est un réel plaisir que de vous lire !

    Merci à vous.
    L.D

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  2. Le jour où cela a non seulement changé, mais basculé. Un mot suffit pour vous renvoyer à un "vous" qu'il s'agit d'intégrer, d'apprivoiser; Le "mot qui tue", cela existe, et il s'agit après d'apprendre à vivre avec... Ou de réapprendre à aimer la vie...

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  3. merci Jacques pour ton Blog. j ai été particulierement touché par les récits ou Le jour ou cela à changé..

    ä bientôt,
    jml

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