lundi 12 octobre 2015

                                
      

                                
                                  Les rêves



                       

                    Il n’y a que le rêveur qui peut interpréter son rêve !



  Un court article pour préciser à nouveau l’articulation entre rêve et Psychanalyse. Et puis balayer de suite une autre  idée fausse "l’interprétation" d’un rêve n’est pas thérapeutique, en rien elle ne fera disparaître un symptôme ou un comportement névrotique.

  Le mot interprétation ne peut être utilisé quant à l’explication d’un rêve pour lui donner du sens que par le rêveur ! Tout le reste n’est qu’une grande supercherie !

  Certains magazines se spécialisent pour donner des « interprétations » clefs en main au lecteur. J’ai même entendu, ce qui était à la mode à une certaine époque, des émissions à la radio où des psy spécialisés  "interprétaient"en direct les rêves des auditeurs ! Quelle vaste mystification !

  Là encore il faut être très prudent. Malheureusement beaucoup trop de personnes ne viennent au cabinet après des années de thérapies avec un « Psy » qui faisait un travail autour des rêves. Donnant à celui ci beaucoup d’importance comme l’accès à un territoire magique l’inconscient, auquel seul le rêve permettrait l’entrée. Quand je demande à ces personnes quelle a été la pertinence du travail, quant au bien être et à l’apaisement, la réponse est unanime aucune. Au plus le fait d’avoir pu avoir eu une fonction exutoire. Je le rappelle cela soulage sur le moment, mais sur le moment uniquement, car l’on ne s’attaque pas au cœur du symptôme.

  Pour certains la connaissance des symboles collectifs, universels, des archétypes, dont seul  le thérapeute gourou à la connaissance, est la clef à la résolution de tous les problèmes.

  C’est un mensonge, que l’on s’intéresse à titre personnel par curiosité ou de façon plus anthropologique au symbole pourquoi pas, mais d’imaginer que cela a une vertu curative, cela relève du mensonge. Pour rappel, seule l’abréaction en Psychanalyse à une portée thérapeutique. La réelle interprétation du rêve par le rêveur est un des moyens d’y accéder, je vais y revenir.

  Et puis pour continuer les précisions quant aux méthodes et approches , soyez assuré que jamais aucun psychanalyste ne fera bruler de l’encens ou autre dans son cabinet, ne vous demandera pas de retirer vos chaussures, ni ne vous recevra dans une pièce décorée de quelques références spirituelles ou associées. Pour rappel à nouveau, la Psychanalyse, oblige le praticien à une neutralité bienveillante, cela passe par un travail et l’exercice de la démarche dans des lieux garantissant cette neutralité.

  Quant au reste folklorique, d’encens, de tapis, de décors hyper surréalistes (style New Age) ou autre sachez que cela ne sera jamais de la psychanalyse, peut être de la psychothérapie, au passage d’ailleurs demandez au praticien à quelles références il appartient et par qui il est qualifié.

  Pour en revenir au sens des mots : Le Larousse nous dit du verbe interpréter: » Chercher a rendre un texte, un auteur intelligibles, les expliquer, les commenter : interpréter une loi, un écrivain. Attribuer à quelque chose un sens mystique ou allégorique ; Interpréter des oracles. Donner à des propos, à un événement, à un acte telle signification, les comprendre en fonction de sa vision personnelle : J’interprétais son silence comme une acceptation « 

  Nous voyons dés la définition la relativité du mot interpréter attribuer à quelque chose du sens. Voila dés le départ le piège « je ne sais interpréter votre silence sinon que comme une acceptation ! » Dés ce moment tout est relatif. Comme le dit la définition le comprendre en fonction de sa vision personnelle.

  C’est un exercice de communication dans lequel il y a un émetteur en l’occurrence le rêveur et un récepteur, le fameux Psy. Dans ces mécanismes les deux éléments que sont émetteur/récepteur ne fonctionnent jamais en phase. Chacun vit au rythme de son humeur, pour ce qui est du rêveur, le plus difficile consiste déjà pour lui à accéder à l’intégralité de son rêve, et ceci étant fait la narration se déroule dans un état d’affect qui ne peut être neutre. Le récepteur se situe dans ce cadre émotionnel, lui même porteur de ses propres affects, et surtout avec son histoire sa culture, et ses codes idéologiques.

  Tout le monde parle du Symbole, cet espèce d’archétype d’un savoir oublié ou caché, que certains initiés sauraient décrypter Il est évident que l’image de la caverne ne sera « interprété » par un pythagoricien, un géologue, un gynécologue ou un peintre de la même façon  et chacun y verra et mettra ce qu’il y voudra.

  Ainsi la caverne sera alternativement un lieu  de réflexion, un lieu d’exploration, une matrice utérine, un élément de décor paysagé !

  Le rêve désigne un ensemble de phénomènes psychiques éprouvés au cours du sommeil. Au cours de l’Histoire, différents domaines de la connaissance se sont intéressés au rêve, y cherchant du sens ou une fonction. Certains rêves sont influencés par le transit intestinal, la position du corps, des phénomènes musculaires. Ce qui fait dire à certains qui nient tout intérêt autour du rêve que celui ci n’est que l’expression de phénomènes physiologiques, c’est bien sûr faux, quel rapport entre la 2Cv du grand père et une crampe !

  Maintenant dissocions l’interprétation que le rêveur fait de son rêve de l’oniromancie, qui est un « art » divinatoire utilisant les rêves. Nous sommes là dans le domaine de la divination, de la cartomancie et loin, absolument radicalement séparé de la Psychanalyse.

  Je cite à titre d’exemple comment cela procède dans ce système. A chaque mot, nom est associé un symbole. Par exemple, et je cite à titre d’exemple comment cela fonctionne dans les grands classiques: : Cheval, soleil, arbre, arbalète, château, ruisseau, train, avion, neige, les couleurs… Etc,etc.

  J’en ai choisi quelques uns vous allez être fixé rapidement.

  Ainsi rêver de… signifie :

« Agneau : vous serez bientôt terriblement effrayé

Belette : femme mal intentionnée et vicieuse, qui aime à séparer les couples les plus unis, et qui ne se complaît que dans la luxure. Tuer une belette : tout à fait profitable.

Bœuf : gras : abondance. maigre : pauvreté

Brebis : vie paisible ou apaisée

Cerf : annonce un grand succès. Vous réduirez vos ennemis à merci

Chat : Maléfique. On vous trahira, à commencer par vos meilleurs amis

Chauve souris : si elle vous touche en rêve : vous courrez un grave danger durant les nuits prochaines. En général : trahison, mensonges

Cheval : blanc : satisfactions de tous ordres. Noir : deuil. Roux : guerre en perspective. « 


  Et ainsi de suite, vous voyez que nous entrons dans un vaste catalogue, dont le sens repose sur je ne sais quoi. Comment établir une corrélation entre le cerf et les ennemis réduits à merci ? Nous imaginons les découlements réflexifs par rapport à l’imagerie populaire. Mon propos ne va pas à l’encontre de l’intérêt des symboles, sur un plan culturel ou anthropologue pour voir comment les civilisations, les tribus les ont utilisé, elles en ont érigé leurs totems cela est passionnant.

  Mais surtout ne confondez pas la psychanalyse avec le travail de qualité qu’elle fait de l’interprétation des rêves et ces approches divinatoires spirituelles. Quand vous entrez dans un cabinet même s’il y a la plaque de psychothérapeute sachez dans quelle planète vous entrez.


      Si vous souhaitez régler, apaiser un symptôme vous savez où aller maintenant !


  Alors comment procède la Psychanalyse ? Je vais simplement parler de ma pratique, de la méthode que j’enseigne au sein du CSDPA, pour laquelle nous formons les Psychanalystes. J’ai par ailleurs dans mon  Précis de Psychanalyse consigné et codifié toute cette approche, afin d’offrir un support aux psychanalystes, notamment pour leurs travaux futurs.

  L’interprétation du rêve se fait sur le divan, certains patients m’adressent le contenu avant la séance, nous avons la chance d’avoir des moyens de transmissions modernes qui entrent dans le champ du travail analytique, Freud ne préconisait il pas l’écriture automatique pour très spontanément coucher quelques idées. L’analysant, je le rappelle dans le cadre de la règle fondamentale, et par les associations libres est amené à associer spontanément, en toute liberté ses idées, réflexions, émotions, quant au contenu du rêve. Je vous rappelle qu’en Psychanalyse nous parlons du contenu latent et du contenu manifeste du rêve. Jusqu’au moment, si cela est possible, où émergent des directions dans les lectures, qui donnent du sens au rêve, ainsi le rêveur est capable d’expliquer ce que représente cette 2Cv verte !

  A ce moment, et là uniquement le rêve est un indice précieux, cela est rien de plus qui va nous permettre de nous orienter vers les abréactions possibles. N’oublions pas qu’un rêve est toujours l’expression d’un désir, d’une peur, d’un conflit non satisfaits. Ainsi lorsque le rêve, tel un cadeau apparaît en souvenir au sujet celui ci peut par ses associations en déterminer le sens pour savoir où aller travailler les abréactions.

  Et croyez en mon expérience, au-delà de l’aspect passionnant les rêves sont des raccourcis aimables qui nous font gagner du temps.

  Pour finir tout le monde rêve toutes les nuits, c’est une fonction d’équilibre indispensable  du  psychisme, il est vrai que peu de personnes s’en souviennent.

        
                                   Mais ne dites en aucun cas moi je ne rêve jamais !


                  D’ailleurs ceux qui disent cela on peur de quelque chose, oui mais de quoi ? 


                                            Demandez leur !


" Certes, un rêve de beignet, c'est un rêve, pas un beignet. Mais un rêve de voyage, c'est déjà un voyage "


 De Marek Halter.





vendredi 9 octobre 2015

                                  


                                               
                                         Les Saisons




  C’est vraisemblablement parce que je suis en train de rédiger des articles un peu techniques et complexes que j’ai ressenti la nécessité d’un retour au naturel , à la nature, et quoi de plus représentatif pour l’apprécier que les saisons.

  Et puis ces jours ci ne sommes nous pas dans le passage de l’une à l’autre.

  C’est une période de l'année d’environ trois mois, qui observe une relative constance du climat et de la température . Nous remarquons les saisons par le rôle déterminant qu’elles exercent sur l'état de la végétation, et sur l’homme .Cela dépend essentiellement de facteurs géographiques et climatiques localement modulés .

  Nous pouvons saisir l’importance qu’elles ont au quotidien notamment à travers des expressions  « comme fruits et légumes de saison ».

  Il est évident que sans avoir fait de recherches très approfondies, et être un expert en neurologie ,climatologie ou autre , nous avons tous constaté les interactions entre le climat , la météorologie ,représentés par les saisons, et nos comportements.

  Mais sous le vocable saison, raisonne pour moi différentes approches .Une scientifique, une autre artistique, et la dernière plus psychanalytique, que je vais tenter de développer.

  De nombreuses études, recherches sur les relations entre climat et l’homme ont été menées dans le monde depuis des décennies, j’en relate quelques propositions scientifiques.

  On a découvert, il y a une dizaine d’années au sein de notre cerveau, une structure qui rythme notre organisme. Le terme horloge biologique est celui que nous connaissons tous. Sans elle nous serions incapables de nous adapter à l’alternance des saisons, ainsi que des jours et des nuits. Lorsque  cette horloge, se dérègle, par la fatigue ,la maladie, l’âge nous constatons des modifications physiques ,comme la migraine des courbatures ,des sautes d’humeur, cela peut aller plus loin au niveau de troubles psychologiques et ,cela est très observable sur les sujets dépressifs notamment très sensibles.

  
                      L’homme est un animal saisonnier!


   Ne sommes nous pas à la recherche par l’observation, les ressentis, des changements de saisons. Nous vivons, sommes organisés, individuellement et collectivement au rythme des saisons. Le passage de l’une à l’autre est souvent rituelique , les cigognes en Alsace, la saison des fraises, des champignons .Tout cela active l’ensemble de nos sens.  Je reviendrai de façon plus concrète sur cet aspect, mais indéniablement le passage des saisons exerce une influence sur notre organisme et nos comportements. Il est manifeste que les habitants des pays du nord, où le Soleil disparaît six mois de l’année pour ne plus quitter le ciel le reste de l’année, souffrent d’ailleurs de cette situation.

   Les habitants de ces contrées manifestent plus de dépressions qu’ailleurs, cela contribue à démontrer que notre organisme a besoin d’être en lien avec la justesse, le rythme des saisons. Lorsque la grisaille de l’hiver remplace l’ensoleillement des beaux mois d’été, des thérapies telles que la luminothérapie, à savoir des patients soumis à une lumière artificielle le matin procure de très bons résultats.


                     L’influence des saisons sur l’homme.


  Sans rentrer dans l’angélisme, ni les recettes de grand-mères « sorciérisantes » il est intéressant de s’intéresser à ce bon sens « populaire » et à ce qu’il nous dit . Je ne m’appuie pas sur ces dictons, mais ne sommes nous pas tous pétris de ces réflexions.

   - Le printemps c’est par définition, avant toute autre chose, la saison de la montée de la sève. C’est comme une naissance à nouveau Le ciel et la terre se raniment, se réveillent. Toute la nature se féconde, c’est une image bien sûr, mais celle ci est illustrée par des représentations simples, comme passer des maigrichonnes branches d’arbres, à de voluptueuses arborescences joliment dessinées par ces branches ressuscitées. Par extension nous aimons à dire que c’est la saison chez l'homme où l'énergie va éclore. C'est le moment de donner, ce n'est plus celui de recevoir. Pour faire simple en hiver nous recevons le chauffage ! Une alimentation plus riche !des étrennes ! Nous ressentons ce besoin de remplissage de satiétés qui compense les manques que la nature ne peut plus nous donner, elle même inscrite dans un processus de défense, de protection. Il est dit  que le meilleur moyen pour l'homme de se conformer à cette saison c'est de laisser éclore sa nouvelle vitalité.

  - L'été est le moment de la croissance, donne le sentiment que l'énergie du ciel et celle de la terre se rejoignent, c’est un moment de croissance, de plénitude, de jouissance, dans le sens profiter de ce qui nous est offert. Toute la nature porte ses fruits. C'est le moment pour l'homme de dépenser son énergie pendant lequel en règle générale nous avons l’impression que les batteries sont rechargées, nous permettant d’entreprendre, le corps et l’esprit plus affutés dans son organisme.

  -L'automne c’est une  saison d’équilibre, l’ambiance qui se dégage du ciel, de par ses changements ses amplitudes différentes avec celle qui se dégage du sol de la terre, les couleurs les harmonies sont plus vaporeuses plus diluées, il y a moins de contraste que durant l’été, ici, à ce moment, c’est plus diffus, les couleurs du ciel et celle de la terre se confondent presque. Cela peut inviter L’homme  à cette saison, à équilibrer, lui aussi, son « énergie » je veux simplement dire par énergie ne pas se diluer dans des actes inutiles fort consommateurs de ressourcer naturelles.

  - L’hiver c’est une saison rude, nous nous cachons, tous sans exception pour nous protéger du froid .De fait cela organise l’individu et la société dans l’isolement voire le repliement. C’est  la saison où tout dans la nature se cache pour se protéger du froid, les végétaux qui résistent s’enroulent autour de leur pédicule, les animaux se terrent, c’est parfois l’occasion d’une hibernation improvisée propice au recueillement.

  Selon Hippocrate, quand les saisons varient, tel ou tel élément prédomine. En hiver selon lui c’est la pituite, la saison des  rhumes. Au printemps, quand la saison est  encore humide et se réchauffe, c'est le tour du sang. En été c’est l’air chaud et sec qui échauffe la bile et aggrave les affections bilieuses et les fièvres. En automne, sec et froid, favorise la bile noire et la mélancolie. Il explique que cette connaissance des saisons est importante pour le médecin qui doit s'en souvenir lors du diagnostic et de l'élaboration d'un traitement.

   Pour lui, qui considérait dans sa médecine les notions de tempéraments, un tempérament plutôt sanguin n'est plus le même au printemps ou en été, en automne ou en hiver. Chaque saison correspondait à un élément : le printemps à l'air, l’été au le feu, l’automne à la terre  l’hiver à  l'eau. Il en concluait que les gens avaient un tempérament sanguin au printemps et flegmatique en hiver.

  Je le cite un peu pour l’anecdote, mais pour aussi montrer que notre bien commun collectif quand il parle de saisons, relie celles ci bien volontiers sur ces approches médicales archaïques , mais c’est plaisant de retrouver un peu de cette alchimie.

  Nous allons bientôt passer à l'heure d'hiver, Le changement d’heure aussi influe le rythme de vie, nous ne voyons pas l’extérieur, l’éxotype avec la même lumière, la même ambiance. De fait cela modifie imperceptiblement notre rapport à l’extérieur et à autrui.

  S’agit il d’une réalité objective ou d’une perception subjective. Mettre en ambiance, en lumière des lieux cela les change t’ils ?

  Différentes expériences effectuées en laboratoire semble le confirmer.

  Notre rapport au réel, est à considérer dans sa réalité ! Quelle banalité évidente, cela veut dire qu’une ambiance da couleur fades peu lumineuses, en plus du fait que le froid nous oblige à nous vêtir autrement, fait que sans le vouloir ce même endroit à la même heure, n’est pas le même, et si dans notre mémoire nous n’en avons gardé un souvenir d’affect, cet endroit si familier, pourra nous paraître inconnu voire hostile.

  Tout est affaire de perception, c’est pour cela qu’en démarche Psychanalytique, à la différence de nombreuses autres disciplines, c’est la valeur de l’affect et du vécu qui en fait sa réalité objective, et non l’idée que nous pouvons en avoir dans sa représentation intellectuelle, qui elle détachée de la valeur corporelle peut en déformer gravement les perceptions.

  Le conscient ne nous dit il pas «  qu’est ce que l’on est bien ici », alors que…Pas tant que cela  !

  Une question que l’on me pose souvent, c’est l’influence des saisons sur le fait d’envisager une démarche psy. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas l’hiver qui amènerait un afflux massif, mais nous pourrions être surpris de savoir  que l’été présenté comme étant le zénith du tempora héroica, amène beaucoup plus de personnes que l’on ne peut imaginer , nos villes sont désertes ,les familles s’éloignent, les personnes âgées sont seules ,les derniers remparts du quotidien que sont les commerçants fondent aussi comme crème solaire sur les plages !

  Et puis il y a un autre regard décalé qui m’intéresse, par sa poétique portée psychanalytique. C’est l’idée que j’en ai, que chacun porte en lui. La représentation des saisons, dans l’inconscient, le mien, le notre,celui plus collectif (concept que je n’aime pas évoquer d’ailleurs car je n’y attribue qu’une relative valeur).

  C’est l’image d’Épinal, celle de nos cahiers et livres d’écoliers, cette trace à jamais ineffaçable, inscrite en nous et qui nous fait voyager, rêver. Ce peut être, et les anciens s’en souviendront la fameuse "méthode Boscher" et ses semblables.

  Vous voyez ces enfants « sages et mignons » Qui traversent les saisons, c’est à travers eux que nous apprenons l’alphabet, dans cette formidable méthode syllabique que des intellectuels de l’apprentissage avaient évincé, au profit de la méthode dite globale, quel gâchis, au passage combien de générations d’écoliers sacrifiés au nom d’une méthode dite moins sévère. Ils ont confondu la sévérité et la rigueur ! Enfin pour revenir à ces images, toutes les lettres, ainsi que les règles de grammaire et de conjugaison,  étaient inscrites dans des paysages somptueux faits d’images de ville, comme de campagne au gré des saisons.

  Eh bien notre inconscient fonctionne ainsi à l’évocation des saisons.

  Le printemps c’est l’image des arbres en fleurs, qui n’en sent pas même les odeurs leurs parfums. L’été les plages, les râteaux, les seaux, les pelles, le soleil chaud, trop même parfois, l’odeur de la peau qui exalte un parfum que nulle part ailleurs ne donne. L’automne avec ses belles pommes gouteuses, les arbres faits de couleurs improbables, beautés éphémères qui ne se reproduiront jamais à l’identique. Puis l’hiver avec ces images de contraste, de plaines blanches à perte de vue, de bonhommes de neige, les pères noël souriants dans les grands magasins, la chaussette suspendue au dessus de la cheminée flamboyante qu’illumine un sapin souvent trop décoré.

  C’est ça aussi les saisons. Surtout cela! Je me rend compte dans ma pratique au jour le jour combien nous sommes nourris de ces merveilleuses images que nous n’avons jamais réellement vécues mais qui sont en nous, font parti de notre patrimoine, et nous font rêver , telle l’œuvre magique et magnifique  de Vivaldi.

  Invoquer la notion de saison, la puissance évocatrice nous en  submerge aussitôt, chacun à fabriqué son imaginaire dedans. Souvent les réconforts, souvent les endormissements s’organisent autour de ces images « saisonnales » faites de réalités vécues, et de ces fameuses images de rêves. Je constate sur le divan et au court des entretiens combien l’endormissement le soir est possible grâce à elles, et combien aussi des moments de peine sont pansé grâce à ces images porteuses d’espoir.

  L’espoir c’est surtout cela ! Les saisons sont la roue de la vie, les saisons sont un des éléments marquants de notre horloge humaine. Nous ne pouvons y échapper ni comme à l’heure, c’est du temps, mais du temps plus long, à l’échelle de notre vie , mieux observable que l’heure qui tourne avec l’aiguille autour du cadran.

  Les saisons c’est comme la loi, nul ne peut y échapper, et c’est tant mieux, cadeau de la vie ! Elles nous donnent ainsi un rapport à l’éternité. A notre vie surtout au temps qui passe. Les saisons sont des repères dans nos souvenirs pour nous rappeler notre âge, les images de nos parents ,de nos proches qui apparaissent autour du prunier, en fleur, rempli de  fruits, juste avant que les feuilles n’en tombent.

 
  C’est un marqueur personnel intime, comme une grâce du vivant !


                                           "Les saisons, ça ne se discute pas."


Raymond Queneau « Les Derniers Jours »