lundi 17 septembre 2012
"Ça passe vite, une vie."
" Assis sur le banc de la propriété familiale, je repense à tous ces moments depuis mardi lorsque Papa m’appelle.
Je comprends dans la confusion que maman est morte, lui pas encore, dans ce qu'il
me décrit, je lui dis précipitamment appelle les pompiers, je suis à ce moment occupé à refaire une chambre. Après une douche sommaire les pompiers sont là, Maman n’est plus visible, emportée par la maladie son cœur a cédé.
Tout a été vite, le médecin légiste, les pompes funèbres. Nous savions que Maman
était malade mais de là à ce que cela arrive aussi rapidement....
Je suis donc là assis sur le banc de la propriété familiale avec ces images immédiates violentes rapides déposantes. Papa arrive, il est ailleurs, ses yeux expriment ce que je n’ai jamais encore suffisamment vu en lui, la tristesse, la colère, la peur.
Je lui prends simplement la main, dans la famille, nous ne savons pas faire autrement et nous ne parlons pas. Finette le chien des voisins que nous affectionnons se campe simplement là.
Puis Papa me dit : "Tu sais Laurent, une vie ça passe vite"
J’ose à peine le regarder dans les yeux qu’il a d’ailleurs dans une narration intime que je ne peux ni ne veux percevoir. "
Laurent était en analyse avec moi lorsque sa Maman a été emportée. Lui s’attendait à la disparition de sa mère, le travail d’analyse lui a permis de faire, de terminer le travail de deuil avec sa Maman.
C’est plus moi à partir de ces réflexions et phrases qui ai souhaité vous faire partager ma lecture.
Cette phrase : "ça passe vite une vie" m’a interpellée car elle nous ramène au cœur du vivant, mais essentiellement au centre du travail psychanalytique.
Cela nous ramène a des réalités simples toujours associées à la mémoire car la vie qui nous appartient elle est liée à la mémoire et aux souvenirs. Quand nous sommes pleinement dans le vivant et surtout dans l’action celle ci n’apparaît pas dans nos préoccupations. La vie est indicible pleine et belle par sa vivacité, sa naïveté aussi... Nous ne nous rendons pas compte de ce qu’elle nous donne, dans son quotidien ferme et plein d’émotions petites pleins de joies, de tristesses, de colères, mais surtout pleines d’espoir.
"J’aime la vie quand elle rime à quelque chose" Dit Claude Nougaro. Moi j’aimerais dire "J’aime la vie tant qu’elle est là, car elle est !"
Une vie ça passe vite, cela renvoie à la perception du temps. Nous sommes inégaux face à cela, les organismes vivants n’ont pas le même rapport au temps, en fonction de leur structure.
Dans nos cabinets nous sommes tellement amenés à recevoir des patients qui sont passés à coté de cette beauté dont la nature nous a fourni. Leurs souffrances malheureusement ont pris le pas sur la réalité du vivant, et ceux ci ont pu vouloir attenter à leur vie.
Quel échec, quelle souffrance. Nos sociétés ethnologiques sont inégales aujourd’hui plus que jamais face à cela. Nous occidentaux avons favorisé une qualité matérielle dont nous ne pouvons pas nous plaindre sauf si celle ci altérerait Gaïa, avec une perception du temps de vie essentiellement productif.
Dans mon cabinet, j’entends depuis des années "Mon Grand Père était en pleine
forme et après quelques mois de retraite il est décédé". Tout le monde bien sûr s’entend à
dire que ce dernier avait mal préparé sa retraite !
Une vie c’est court cela s’entend depuis l’âge de compréhension !
Quel drame que de dire cela, car effectivement dès tout petit enfant je sais au fond de moi, intimement ou pleinement tout ce qui va se passer ! Rapidement, les drames familiaux, les antécédents familiaux (qu'elle me lâche cette famille) je suis dedans, j’ai beau faire : par ignorance, soumission, rébellion ; je baigne dedans, font parti de chacun.
Le moment où nous prenons conscience et perception du temps et très variable. Ceci est malheureux pour le Psy de constater ces différences d’appréciations. Là encore le temps biologique est le même pour nous être humain, comment cela se fait il que certains disent ne pas être sensible au passage du temps alors que d’autre si ?
Cela est bien évidemment le même temps avec la rudesse plus ou moins des uns des autres.
Alors comment considérer qu’une vie passe vite ?
Nos empreintes, les phots ou les vidéos. Cela représente l’envie de se positionner par une datation dans de temps. Certains passent leur temps à le faire gage de réassurance permanente que le temps passant ils sont volés de quelque chose, mais surtout incapables par leur non maîtrise d’être simplement.
Une vie passe vite !
Deux approches : Celle vécue avec mes parents, en gros tout d’avant
Et l’autre : celle que j’a construit en tant qu’adulte.
Je vous rassure, les deux sont les mieux.
Enfant, vous vous en souvenez assurément le temps est long, c’étaient les jeudis, les mercredis après midi interminables, les longues vacances d’été.
Cela est mémorisé par chacun par des pointeurs temporels tels les fêtes Noël, anniversaires, autres, etc. Le temps dans ces moments n’a pas de matière, pas de quantité c’est la mémoire qui nos en donne l’accès, pas la conscience, vous le savez (je le redirai) elle n’est pas fiable, mais celle des souvenirs accessibles inaccessibles de la mémoire inconsciente.
Ces moments, ces piles "mnésiques" que je redéfinirai plus tard ne prennent pas de valeur temporelles. Aussi quand je vis, je ne pense pas à ce moment vécu, j’assimile simplement ce moment et le stocke en mémoire neutre inconsciente.
Aussi, construit de ces moments qui sont hors du temps, je suis moi même la conséquence de ce que mon inconscient produit.
Pourquoi le temps passe aussi vite ? Et surtout une vie ?
Par le décalage entre la réalité et le désir d’être.
La réalité est atemporelle, elle se fiche du temps et de vos désidératas elle est neutre, juste neutre. Le désir d’être est lui temporel et affectif, les deux cohabitent en permanence, mais ne sont pas amis, l’un trace, l’autre demande.
Cela veut dire que nous n’avons pas su dire , pour nous , simplement savoir , marquer ces petits moments d’harmonie , de bonheur que nous n’osons nommer, dire "je t’aime" , "je suis en désaccord avec toi" , en bref tout ce qui relève de l’affect .
Et cela tant que nous ne saurons pas le faire fera qu’à chaque fois d’aucuns diront "tu sais une vie ça passe vite."
Mais au quotidien cela se passe comment ?
Ce matin je me réveille de mauvaise humeur, avec mon conjoint l’intimité ça me gave, l’anniversaire de.... Je ne raconte même pas !
Cela veut dire apprendre à saisir la réalité du moment présent offert à nous, il ne s’agit pas de faire naître une béatitude stupide, mais quand j’ouvre ma fenêtre que ce soit à mon domicile ou sur mon lieu de travail, savoir humer pleinement l’air du temps. Savoir aussi hiérarchiser réellement ce qui à du sens dans une journée, ne pas tout prioriser par exemple simplement sur le plan professionnel.
Savoir apprécier ces moments gratuits d’une rencontre fugace, d’un sourire.
Savoir éviter les vécus du genre : En vacances sur un mois, la première semaine est fichue je pense à mon travail, les 15 jours au milieu ça va j’arrive à me détendre, la dernière semaine j’angoisse.
Eh bien oui la vie c’est cela, c’est simple, si, et si tout le reste est là.
Cela me ramene à un autre article sur le droit à la psychanalyse.
"La vie est courte pour l’homme heureux." Pierre Larousse
dimanche 2 septembre 2012
La rentrée m’angoisse.
Combien
de fois entendons nous cela dans nos cabinets, combien de fois d’ailleurs cela
motive une démarche chez le psy.
Je
pense que nous pouvons en appréhender trois axes qui ne sont pas de même
nature :
- L’un historique.
-
L’autre conjoncturel.
- Le
dernier plus philosophique.
- L’axe historique reprend simplement les
principes de la psychanalyse, à savoir la façon dont je me suis construit se
rejoue, à travers des comportements répétitifs plus ou moins conscients, plus
ou moins maîtrisés. Ainsi vont donc se proposer à nous adulte à l’approche de
la rentrée professionnelle, sociale, les réminiscences de celles que nous avons
connu enfant. Pour certains cela sera la "joie" de retrouver des
lieux , des amis , des têtes , des challenges, et pour d’autres de retrouver
le mal de ventre, l’envie de vomir, des difficultés à l’endormissement .
Ces
entrées scolaires ont beaucoup plus d’importance que nous parents nous leur accordons,
limitant notre vision souvent à la perte de l’être cher pour les premières
entrées en maternelle notamment. En réalité chaque rentrée est un rite de passage.
L’entrée en maternelle bien sûr, puis surtout l’entrée en CP, où l’enfant quitte
le maternage de la petite enfance pour percevoir celui de la productivité que
l’on va lui demander, il faudra avoir de bons résultats de bons classement et
nous voyons des petits de 6 ans totalement effarés de cette pression qui peuvent
s’enfermer dans des comportements anxiogènes handicapants.
L’entrée
au collège puis au lycée en est autant. Nous sommes donc façonnés par ces
expériences et même si la raison, ce conscient, qui veut nous faire aller de
l’avant en positivant chaque rentrée professionnelle, nos vieux démons
reviennent au galop et peuvent ainsi s’organiser des peurs indéfinissables, et
ce qui est pire de véritables angoisses paralysantes filles de celle de nos
enfants introjectés.
Pour revenir à nos souvenirs de rentrée, il faut remarquer que
les enfants de nature anxieuse, angoissée, souffrant d'une mauvaise estime de
soi, sont plus effrayés par cet évènement. Ces individualités plus vulnérables
régissent moins bien des obligations de performances, ce qui peut amener
rapidement des difficultés d'apprentissage ou de concentration. L'approche
relationnelle avec les camarades d'école, ou les professeurs va ainsi devenir
des freins et non pas des soutiens et encouragements. Ainsi un sentiment d'insécurité ou d'angoisse s’installe
et peut ne pas quitter l’enfant.
Si ce modèle effecteur est le notre nous ne pourrons pas
échapper au coté et caractère répétitif de cet élève angoissé que nous étions,
et la meilleure volonté du monde pourra vouloir nous faire minimiser cela mais
… Il y a des limites.
C’est pourquoi je vois certains analysants me dire "mais je ne
comprends pas, mon conjoint a tout pour être heureux dans son travail, à chaque
rentrée c’est la même pantomime, il me fait le coup du mal de tête de ventre, d’angoisses,
ne dort plus" …
- L’axe conjoncturel.
Rappelons de notre capacité à prendre de grandes résolutions
l’année prochaine je repeindrai la cuisine, j’aurai mon bac j’irai fleurir la
tombe de tante Estelle. Celles du jour de l’an imprégné d’effluves du réveillon
sont pleines de solennité mais aussi pleines de vapeurs et de brouillard, alors
cela fait vite parti du folklore, Ça s’oublie. Mais il y en a d’autres qui sont
plus inquiétantes, celles que l’on esquisse un peu en juin, et dont on s’est
tellement persuadé tout l’été qu’en août on gave tout le monde, a la rentrée j’arrête
de fumer, de boire, je fais sérieusement un régime, je fais du zèle auprès de
mon chef pour lui demander une augmentation …
Ces intentions louables, nous le savons sont difficiles à mettre
en œuvre, elles font appel à de la privation, demandent de prendre sur soi, de
renoncer à certaines paresses. Et aussi simple, nous nous mettons en état
psychologique de crainte de ne pas réussir, de décevoir nos proches de ne pas y
parvenir.
J’ai remarqué que nous sommes très structurés par la notion de
rentrée scolaire qui marque une étape, un changement, un tournant, une évolution,
plus que par celle du changement d’année, et qu’il y a un blues quasi naturel
associé à cette période de rentrée.
Et puis aussi la rentrée pour tout être normalement constitué et
relativement équilibré c’est passer d’un état de farniente, entouré souvent
d’êtres chers, dans des activités souvent ludiques, à un état de retour au
travail au social pour retrouver un univers ou l’objectif est la rentabilité,
l’obtention d’un diplôme, du permis de conduire etc.
Et c’est rare que la rentrée soit pour ces raisons d’agrément
vital un élément festif.
- L’axe
philosophique.
Je dois avouer que c’est une petite pirouette, mais qui a mon
sens n’en est pas dénuée.
Si je dois rentrer c’est que je suis donc sorti !
Sorti du système, des horaires, du cadre social, des
obligations !
Où fini le monde de la conscience commence celui de l’extérieur.
N’oublions pas que le conscient structure de façon synthétique notre pensée,
notre façon de voir, le conscient façonné d’un surpoids de Surmoi n’a plus de conscience.
Avant la rentrée une forme large de liberté nous permet d’agir
librement, sans contrainte. Pour Kant dont la réflexion est très proche de
celle de Platon à ce sujet, la liberté ne signifie pas indépendance mais autonomie,
c’est à dire la capacité à se donner à soi même ses propres lois. N’est ce pas une
excellente définition de ce que les congés nous apportent ?
Cette période particulière que nous offre les vacances surtout celles
de l’été permet de retrouver l’homme dans son état le plus naturel, d’ailleurs
pour certains dépouillés de tous vêtements pour un retour à la nature, au
rythme des marées, des cycles lunaires.
Le mythe de l’homme sauvage a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre.
La rentrée porte en
elle même cette appellation bien singulière, assez joué il faut rentrer !
Rentrer dans le rang, dans le moule, dans la classe, dans le bureau,
à l’usine !
Bref tout sauf dehors. Nous avons tous en nous un aspect
libertaire propre à nos premiers instincts grégaires alors quand la cloche de
la rentrée a sonné, il faut remettre l’uniforme !
Alors si votre enfance a été jalonnée de rentrées calamiteuses,
si vous avez juré de perdre 10 kg, d’arrêter de picoler, d’aller fleurir la
tombe de la tante Estelle, et si de plus vous n’aimez pas être enfermé, je vous
conseille une boite de bonbons au miel, ou de trouver un très bon psy !
" De la forme nait l’idée" Gustave Flaubert.
Sous les pavés … La
plage !
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