mardi 1 mai 2012

Empathie et Compassion



Quelles exigences ! Simplement dans l’idée de parcourir le champ d’application de ces deux mots. La psychanalyse y est confrontée en permanence.
En effet, l’empathie et la compassion côtoient, frôlent les champs d’investissement de la psychanalyse, dans son domaine d’application. Pour en simplifier l’approche et la compréhension, il est utile d’en rappeler le sens que le Littré en donne :

« - Empathie : faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent. »

« - Compassion : sentiment de pitié qui nous rend sensible aux malheurs d’autrui, pitié, commisération. »

Chacun conçoit ainsi que cela peut et doit toucher le domaine de la psychanalyse.

Cela est autrement plus complexe. Que le fait religieux soit amené, et « obligé »  à s’exercer dans les domaines que ces deux mots requièrent semble inévitable. À savoir : de la capacité à se mettre à la place d’autrui, et dans le même temps d’avoir l’aptitude d’avoir un sentiment de pitié et de commisération. Est-ce que cela veut dire que l’officiant prenne la peine de la famille, par exemple, à son compte ? C’est la où repose ma réflexion.


En réalité, ces termes relèvent d’un domaine bien singulier, et c’est pour cette raison que leur approche n’est pas spontanée et immédiate. C’est le domaine de la morale.

La morale est un ensemble de principes de jugement, de règles de conduites relatives au bien et au mal, de devoirs de valeurs, souvent érigés en doctrines, qu’une société se donne et qui s’imposent tant à la conscience individuelle que collective. Les conditions de vie, la culture, les croyances dominantes, organisent ce qui relève de la spécificité propre à la morale. Il est intéressant, à ce sujet, de s’autoriser à intégrer que ce qui à ce sujet nous a été plus ou moins introjecté est de fait relatif !

Pour rester dans ce domaine par rapport à la compassion il est intéressant de voir par exemple ce que nous dit Schopenhauer :

Un soir où il se promenait avec son ami le D Gwinner, celui-ci observant le ciel dans lequel les étoiles brillaient lui posa la question : « N’y a-t-il pas des êtres vivants, mais doués d’une existence plus parfaite que la nôtre ? » Schopenhauer lui répondit qu’il n’y croyait pas puis lui dit : « Croyez vous, qu’un être supérieur à nous voulut continuer un seul jour cette triste comédie de la vie ? Cela est bon pour des hommes, des génies ou des dieux s’y refuseraient. »

Cette réflexion résume la pensée de Schopenhauer : dans ce monde mauvais où la douleur corrompt toute joie, où la mort a le mot définitif, quel sentiment peut éprouver l’homme raisonnable et sage ?

En un mot : l’homme doit en arriver à donner accès dans son cœur à la sympathie. C’est le sentiment moral par excellence, ce lien par lequel nous sentons que nous sommes frères. Éprouver de la compassion, c’est donc ainsi devenir un être Moral. Une compassion sans borne à l’égard de tous les êtres vivants, cela ressemble à s’y méprendre au message Christique ! La base de sa morale est: la sympathie vive, ardente, se traduisant en pitié, en charité affective.

L’empathie.

Le terme a été crée par le philosophe allemand Robert Vischer pour désigner le mode de relation d’une personne avec une œuvre d’art qui permet d’accéder à son sens. Cela a été repris par Carl Jasper, puis par Sigmund Freud. En psychologie, l’empathie est la capacité à ressentir les émotions, les sentiments d’une autre personne ou de se mettre à sa place. Cela nécessite un effort de compréhension intellectuelle, mais tout en excluant la confusion de soi et de l’autre. L’empathie n’implique pas de partager les sentiments ou les émotions de l’autre, encore moins de prendre position, contrairement à la sympathie ou à l’antipathie. En philosophie, cela désigne l’appréhension immédiate de l’affectivité d’autrui.

L’empathie, de fait, est devenue un lieu de dialogue et de conflit central des différentes disciplines classiques des sciences humaines. L’empathie se retrouve au cœur des problèmes théoriques, cliniques et politiques. Elle est reprise dans l’herméneutique par Dilthey, dans la phénoménologie par Husserl, reprise et redécouverte par la psychanalyse surtout dans l’approche de Ferenczi.

Comprendre l’empathie comme co-sentir ! Des modèles politiques actuels proposent des programmes organisés autour de cette notion d’empathie. Je m’en méfie particulièrement. De même que sans cette conception, nous pouvons vite arriver au totalitarisme !


Je me souviens de cette question, une cité a-t-elle besoin de ponts ou de murs ?

La réponse vous la connaissez bien sûr. Alors quel lien avec l’empathie ?

Compassion et empathie, pourquoi ce sujet de réflexion ?


Il y a quelques années de cela une infirmière qui venait en séance me disait : « Ma chef de service m’a dit : « vous savez Michelle, dans notre métier il faut faire preuve de compassion et d’empathie » », et celle ci choquée de me dire, « Mais je sais bien pourquoi les patients sont là, moi je me dois de faire au mieux mon travail, d’être la plus professionnelle, sans compassion ni empathie. »

Cette réponse peut surprendre. Non seulement elle est pleine de bons sens  mais me semble être une approche simple face à la morale.

Aux psychanalystes que je forme, je les mets en garde dès le départ de la formation à ne jamais faire preuve de compassion ou de d’empathie, mais de neutralité bienveillante. Cela est beaucoup plus difficile, car oblige à avoir trouvé un équilibre personnel minima, suffisant pour prendre en charge la quête analytique de l’autre.

S’il y avait compassion ou empathie, sans l’activité ou l’expression silencieuse du psychanalyste, cela conduirait instantanément la cure à son échec.

Et puis, sur un plan sociétal, imaginons une nation pleine d’empathie et de compassion face au monde qui  nous entoure ! Comprendre la peine d’autrui, la prendre en considération l’assumer par altruisme ! N’est ce pas vendre son âme au diable dans la dislocation de son identité ?


Alors ces deux termes que calent t-ils ?


Enormément de réflexions quant à ce qui relève de la morale, celle ci est relative. La morale dépend de l’histoire, de la culture, de la religion, de la destinée familiale. La morale ne peut être que personnelle.

La philosophie à travers ses disciplines nous ouvre à une lecture de l’humanité. La morale en fait partie. C’est elle qui a porté l’homme dans sa destinée de compréhension et de respect mutuel. Empathie et compassion en sont deux piliers incontournables, autour desquels il faut continuer à alimenter cette réflexion de l’être.

Mais il ne faut pas être prisonnier de mots qui peuvent rendre, le sujet aliéné, s’il n’a pas la capacité à faire face avec la morale.


« La philosophie n’est rien d’autre que l’amour de la sagesse. »  Cicéron.





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