Les Saisons
C’est
vraisemblablement parce que je suis en train de rédiger des articles un peu
techniques et complexes que j’ai ressenti la nécessité d’un retour au naturel ,
à la nature, et quoi de plus représentatif pour l’apprécier que les saisons.
Et
puis ces jours ci ne sommes nous pas dans le passage de l’une à l’autre.
C’est
une période de l'année d’environ trois mois, qui observe une relative constance
du climat et de la température .
Nous remarquons les saisons par le rôle déterminant qu’elles exercent sur
l'état de la végétation, et sur l’homme .Cela dépend essentiellement de facteurs géographiques et
climatiques localement modulés .
Nous
pouvons saisir l’importance qu’elles ont au quotidien notamment à travers des
expressions « comme fruits et
légumes de saison ».
Il
est évident que sans avoir fait de recherches très approfondies, et être un
expert en neurologie ,climatologie ou autre , nous avons tous constaté les
interactions entre le climat , la météorologie ,représentés par les saisons, et
nos comportements.
Mais
sous le vocable saison, raisonne pour moi différentes approches .Une scientifique,
une autre artistique, et la dernière plus psychanalytique, que je vais tenter
de développer.
De
nombreuses études, recherches sur les relations entre climat et l’homme ont été
menées dans le monde depuis des décennies, j’en relate quelques propositions
scientifiques.
On a découvert, il y a une dizaine d’années au sein de
notre cerveau, une structure qui rythme notre organisme. Le terme horloge
biologique est celui que nous connaissons tous. Sans elle nous serions
incapables de nous adapter à l’alternance des saisons, ainsi que des jours et
des nuits. Lorsque cette horloge, se
dérègle, par la fatigue ,la maladie, l’âge nous constatons des modifications
physiques ,comme la migraine des courbatures ,des sautes d’humeur, cela peut
aller plus loin au niveau de troubles psychologiques et ,cela est très
observable sur les sujets dépressifs notamment très sensibles.
L’homme est un animal saisonnier!
Ne sommes nous pas à la recherche par l’observation,
les ressentis, des changements de saisons. Nous vivons, sommes organisés,
individuellement et collectivement au rythme des saisons. Le passage de l’une à
l’autre est souvent rituelique , les cigognes en Alsace, la saison
des fraises, des champignons .Tout cela active l’ensemble de nos sens. Je reviendrai de façon plus concrète sur cet
aspect, mais indéniablement le passage des saisons exerce une influence
sur notre organisme et nos comportements. Il est manifeste que les habitants des pays du nord, où le
Soleil disparaît six mois de l’année pour ne plus quitter le ciel le reste de
l’année, souffrent d’ailleurs de cette situation.
Les
habitants de ces contrées manifestent plus de dépressions qu’ailleurs, cela
contribue à démontrer que notre organisme a besoin d’être en lien avec la justesse,
le rythme des saisons. Lorsque la grisaille de l’hiver remplace
l’ensoleillement des beaux mois d’été, des thérapies telles que la
luminothérapie, à savoir des patients soumis à une lumière artificielle le
matin procure de très bons résultats.
L’influence des saisons sur
l’homme.
Sans rentrer dans l’angélisme, ni les
recettes de grand-mères « sorciérisantes » il est intéressant de
s’intéresser à ce bon sens « populaire » et à ce qu’il nous dit .
Je ne m’appuie pas sur ces dictons, mais ne sommes nous pas tous pétris de ces réflexions.
- Le printemps c’est
par définition, avant toute autre chose, la saison de la montée de la sève. C’est
comme une naissance à nouveau Le ciel et la terre se raniment, se réveillent.
Toute la nature se féconde, c’est une image bien sûr, mais celle ci est
illustrée par des représentations simples, comme passer des maigrichonnes
branches d’arbres, à de voluptueuses arborescences joliment dessinées par ces
branches ressuscitées. Par extension nous aimons à dire que c’est la saison
chez l'homme où l'énergie va éclore. C'est le moment de donner, ce n'est plus celui de recevoir. Pour faire simple en
hiver nous recevons le chauffage ! Une alimentation plus riche !des
étrennes ! Nous ressentons ce besoin de remplissage de satiétés qui
compense les manques que la nature ne peut plus nous donner, elle même inscrite
dans un processus de défense, de protection. Il est dit que le meilleur moyen pour l'homme de se
conformer à cette saison c'est de laisser
éclore sa nouvelle vitalité.
- L'été est le moment de la croissance, donne le sentiment
que l'énergie du ciel et celle de la terre se rejoignent, c’est un moment de croissance,
de plénitude, de jouissance, dans le sens profiter de ce qui nous est offert.
Toute la nature porte ses fruits. C'est le moment pour l'homme de dépenser son énergie pendant lequel en règle
générale nous avons l’impression que les batteries sont rechargées, nous permettant
d’entreprendre, le corps et l’esprit plus affutés dans son organisme.
-L'automne c’est une saison d’équilibre, l’ambiance qui se dégage
du ciel, de par ses changements ses amplitudes différentes avec celle qui se
dégage du sol de la terre, les couleurs les harmonies sont plus vaporeuses plus
diluées, il y a moins de contraste que durant l’été, ici, à ce moment, c’est
plus diffus, les couleurs du ciel et celle de la terre se confondent presque.
Cela peut inviter L’homme à cette
saison, à équilibrer, lui aussi, son « énergie »
je veux simplement dire par énergie ne pas se diluer dans des actes inutiles fort
consommateurs de ressourcer naturelles.
- L’hiver c’est une saison rude, nous
nous cachons, tous sans exception pour nous protéger du froid .De fait cela
organise l’individu et la société dans l’isolement voire le repliement. C’est la saison où tout dans la nature se cache pour
se protéger du froid, les végétaux qui résistent s’enroulent autour de leur pédicule,
les animaux se terrent, c’est
parfois l’occasion d’une hibernation improvisée propice au recueillement.
Selon Hippocrate, quand les saisons varient,
tel ou tel élément prédomine. En hiver selon lui c’est la pituite,
la saison des rhumes. Au printemps, quand
la saison est encore humide et se
réchauffe, c'est le tour du sang. En été c’est l’air chaud et sec qui échauffe
la bile et aggrave les affections bilieuses et les fièvres. En automne, sec et
froid, favorise la bile noire et la mélancolie. Il explique que cette connaissance des saisons est importante
pour le médecin qui doit s'en souvenir lors du diagnostic et de l'élaboration
d'un traitement.
Pour lui, qui considérait dans sa médecine
les notions de tempéraments, un tempérament plutôt sanguin n'est plus le même
au printemps ou en été, en automne ou en hiver. Chaque saison correspondait à
un élément : le printemps à
l'air, l’été au le feu, l’automne à la terre
l’hiver à l'eau. Il en concluait que les gens avaient un
tempérament sanguin au printemps et flegmatique en hiver.
Je le cite un peu pour l’anecdote,
mais pour aussi montrer que notre bien commun collectif quand il parle de
saisons, relie celles ci bien volontiers sur ces approches médicales archaïques
, mais c’est plaisant de retrouver un peu de cette alchimie.
Nous allons bientôt passer à l'heure d'hiver,
Le changement d’heure aussi influe le rythme de vie, nous ne voyons pas l’extérieur,
l’éxotype avec la même lumière, la même ambiance. De fait cela modifie
imperceptiblement notre rapport à l’extérieur et à autrui.
S’agit il d’une réalité objective ou d’une
perception subjective. Mettre en ambiance, en lumière des lieux cela les change
t’ils ?
Différentes expériences effectuées en
laboratoire semble le confirmer.
Notre rapport au réel, est à considérer dans
sa réalité ! Quelle banalité évidente, cela veut dire qu’une ambiance da
couleur fades peu lumineuses, en plus du fait que le froid nous oblige à nous
vêtir autrement, fait que sans le vouloir ce même endroit à la même heure,
n’est pas le même, et si dans notre mémoire nous n’en avons gardé un souvenir
d’affect, cet endroit si familier, pourra nous paraître inconnu voire hostile.
Tout est affaire de perception, c’est pour
cela qu’en démarche Psychanalytique, à la différence de nombreuses autres disciplines,
c’est la valeur de l’affect et du vécu qui en fait sa réalité objective, et non
l’idée que nous pouvons en avoir dans sa représentation intellectuelle, qui
elle détachée de la valeur corporelle peut en déformer gravement les perceptions.
Le conscient ne nous dit il pas «
qu’est ce que l’on est bien ici », alors que…Pas tant que cela !
Une question que l’on me pose souvent, c’est l’influence
des saisons sur le fait d’envisager une démarche psy. Contrairement aux idées reçues,
ce n’est pas l’hiver qui amènerait un afflux massif, mais nous pourrions être
surpris de savoir que l’été présenté
comme étant le zénith du tempora héroica, amène beaucoup plus de personnes que
l’on ne peut imaginer , nos villes sont désertes ,les familles s’éloignent, les
personnes âgées sont seules ,les derniers remparts du quotidien que sont les
commerçants fondent aussi comme crème solaire sur les plages !
Et puis il y a un autre regard décalé qui m’intéresse,
par sa poétique portée psychanalytique. C’est l’idée que j’en ai, que chacun
porte en lui. La représentation des saisons, dans l’inconscient, le mien, le notre,celui
plus collectif (concept que je n’aime pas évoquer d’ailleurs car je n’y
attribue qu’une relative valeur).
C’est l’image d’Épinal, celle de nos cahiers
et livres d’écoliers, cette trace à jamais ineffaçable, inscrite en nous et qui
nous fait voyager, rêver. Ce peut être, et les anciens s’en souviendront la fameuse "méthode Boscher" et ses semblables.
Vous voyez ces enfants « sages et
mignons » Qui traversent les saisons, c’est à travers eux que nous
apprenons l’alphabet, dans cette formidable méthode syllabique que des
intellectuels de l’apprentissage avaient évincé, au profit de la méthode dite globale,
quel gâchis, au passage combien de générations d’écoliers sacrifiés au nom
d’une méthode dite moins sévère. Ils ont confondu la sévérité et la
rigueur ! Enfin pour revenir à ces images, toutes les lettres, ainsi que
les règles de grammaire et de conjugaison,
étaient inscrites dans des paysages somptueux faits d’images de ville,
comme de campagne au gré des saisons.
Eh bien notre inconscient fonctionne ainsi à l’évocation
des saisons.
Le printemps c’est l’image des arbres en fleurs,
qui n’en sent pas même les odeurs leurs parfums. L’été les plages, les râteaux,
les seaux, les pelles, le soleil chaud, trop même parfois, l’odeur de la peau
qui exalte un parfum que nulle part ailleurs ne donne. L’automne avec ses
belles pommes gouteuses, les arbres faits de couleurs improbables, beautés éphémères
qui ne se reproduiront jamais à l’identique. Puis l’hiver avec ces images de contraste,
de plaines blanches à perte de vue, de bonhommes de neige, les pères noël souriants
dans les grands magasins, la chaussette suspendue au dessus de la cheminée
flamboyante qu’illumine un sapin souvent trop décoré.
C’est ça aussi les saisons. Surtout cela! Je me rend compte dans ma pratique au jour le
jour combien nous sommes nourris de ces merveilleuses images que nous n’avons
jamais réellement vécues mais qui sont en nous, font parti de notre patrimoine, et nous font rêver , telle l’œuvre magique et magnifique de Vivaldi.
Invoquer la notion de saison, la puissance
évocatrice nous en submerge aussitôt,
chacun à fabriqué son imaginaire dedans. Souvent les réconforts, souvent les
endormissements s’organisent autour de ces images « saisonnales »
faites de réalités vécues, et de ces fameuses images de rêves. Je constate sur
le divan et au court des entretiens combien l’endormissement le soir est
possible grâce à elles, et combien aussi des moments de peine sont pansé grâce
à ces images porteuses d’espoir.
L’espoir c’est surtout cela ! Les saisons
sont la roue de la vie, les saisons sont un des éléments marquants de notre
horloge humaine. Nous ne pouvons y échapper ni comme à l’heure, c’est du temps,
mais du temps plus long, à l’échelle de notre vie , mieux observable que l’heure
qui tourne avec l’aiguille autour du cadran.
Les saisons c’est comme la loi, nul ne peut y
échapper, et c’est tant mieux, cadeau de la vie ! Elles nous donnent ainsi
un rapport à l’éternité. A notre vie surtout au temps qui passe. Les saisons
sont des repères dans nos souvenirs pour nous rappeler notre âge, les images de
nos parents ,de nos proches qui apparaissent autour du prunier, en fleur,
rempli de fruits, juste avant que les feuilles
n’en tombent.
C’est un marqueur personnel intime, comme une
grâce du vivant !
Raymond Queneau « Les Derniers Jours »
Les saisons sont. L'être humain est dans la nature. Les sens perçoivent. Le cerveau traduit, déforme. Mais que de poésie quand tout va bien et que l'harmonie règne.
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