vendredi 9 octobre 2015

                                  


                                               
                                         Les Saisons




  C’est vraisemblablement parce que je suis en train de rédiger des articles un peu techniques et complexes que j’ai ressenti la nécessité d’un retour au naturel , à la nature, et quoi de plus représentatif pour l’apprécier que les saisons.

  Et puis ces jours ci ne sommes nous pas dans le passage de l’une à l’autre.

  C’est une période de l'année d’environ trois mois, qui observe une relative constance du climat et de la température . Nous remarquons les saisons par le rôle déterminant qu’elles exercent sur l'état de la végétation, et sur l’homme .Cela dépend essentiellement de facteurs géographiques et climatiques localement modulés .

  Nous pouvons saisir l’importance qu’elles ont au quotidien notamment à travers des expressions  « comme fruits et légumes de saison ».

  Il est évident que sans avoir fait de recherches très approfondies, et être un expert en neurologie ,climatologie ou autre , nous avons tous constaté les interactions entre le climat , la météorologie ,représentés par les saisons, et nos comportements.

  Mais sous le vocable saison, raisonne pour moi différentes approches .Une scientifique, une autre artistique, et la dernière plus psychanalytique, que je vais tenter de développer.

  De nombreuses études, recherches sur les relations entre climat et l’homme ont été menées dans le monde depuis des décennies, j’en relate quelques propositions scientifiques.

  On a découvert, il y a une dizaine d’années au sein de notre cerveau, une structure qui rythme notre organisme. Le terme horloge biologique est celui que nous connaissons tous. Sans elle nous serions incapables de nous adapter à l’alternance des saisons, ainsi que des jours et des nuits. Lorsque  cette horloge, se dérègle, par la fatigue ,la maladie, l’âge nous constatons des modifications physiques ,comme la migraine des courbatures ,des sautes d’humeur, cela peut aller plus loin au niveau de troubles psychologiques et ,cela est très observable sur les sujets dépressifs notamment très sensibles.

  
                      L’homme est un animal saisonnier!


   Ne sommes nous pas à la recherche par l’observation, les ressentis, des changements de saisons. Nous vivons, sommes organisés, individuellement et collectivement au rythme des saisons. Le passage de l’une à l’autre est souvent rituelique , les cigognes en Alsace, la saison des fraises, des champignons .Tout cela active l’ensemble de nos sens.  Je reviendrai de façon plus concrète sur cet aspect, mais indéniablement le passage des saisons exerce une influence sur notre organisme et nos comportements. Il est manifeste que les habitants des pays du nord, où le Soleil disparaît six mois de l’année pour ne plus quitter le ciel le reste de l’année, souffrent d’ailleurs de cette situation.

   Les habitants de ces contrées manifestent plus de dépressions qu’ailleurs, cela contribue à démontrer que notre organisme a besoin d’être en lien avec la justesse, le rythme des saisons. Lorsque la grisaille de l’hiver remplace l’ensoleillement des beaux mois d’été, des thérapies telles que la luminothérapie, à savoir des patients soumis à une lumière artificielle le matin procure de très bons résultats.


                     L’influence des saisons sur l’homme.


  Sans rentrer dans l’angélisme, ni les recettes de grand-mères « sorciérisantes » il est intéressant de s’intéresser à ce bon sens « populaire » et à ce qu’il nous dit . Je ne m’appuie pas sur ces dictons, mais ne sommes nous pas tous pétris de ces réflexions.

   - Le printemps c’est par définition, avant toute autre chose, la saison de la montée de la sève. C’est comme une naissance à nouveau Le ciel et la terre se raniment, se réveillent. Toute la nature se féconde, c’est une image bien sûr, mais celle ci est illustrée par des représentations simples, comme passer des maigrichonnes branches d’arbres, à de voluptueuses arborescences joliment dessinées par ces branches ressuscitées. Par extension nous aimons à dire que c’est la saison chez l'homme où l'énergie va éclore. C'est le moment de donner, ce n'est plus celui de recevoir. Pour faire simple en hiver nous recevons le chauffage ! Une alimentation plus riche !des étrennes ! Nous ressentons ce besoin de remplissage de satiétés qui compense les manques que la nature ne peut plus nous donner, elle même inscrite dans un processus de défense, de protection. Il est dit  que le meilleur moyen pour l'homme de se conformer à cette saison c'est de laisser éclore sa nouvelle vitalité.

  - L'été est le moment de la croissance, donne le sentiment que l'énergie du ciel et celle de la terre se rejoignent, c’est un moment de croissance, de plénitude, de jouissance, dans le sens profiter de ce qui nous est offert. Toute la nature porte ses fruits. C'est le moment pour l'homme de dépenser son énergie pendant lequel en règle générale nous avons l’impression que les batteries sont rechargées, nous permettant d’entreprendre, le corps et l’esprit plus affutés dans son organisme.

  -L'automne c’est une  saison d’équilibre, l’ambiance qui se dégage du ciel, de par ses changements ses amplitudes différentes avec celle qui se dégage du sol de la terre, les couleurs les harmonies sont plus vaporeuses plus diluées, il y a moins de contraste que durant l’été, ici, à ce moment, c’est plus diffus, les couleurs du ciel et celle de la terre se confondent presque. Cela peut inviter L’homme  à cette saison, à équilibrer, lui aussi, son « énergie » je veux simplement dire par énergie ne pas se diluer dans des actes inutiles fort consommateurs de ressourcer naturelles.

  - L’hiver c’est une saison rude, nous nous cachons, tous sans exception pour nous protéger du froid .De fait cela organise l’individu et la société dans l’isolement voire le repliement. C’est  la saison où tout dans la nature se cache pour se protéger du froid, les végétaux qui résistent s’enroulent autour de leur pédicule, les animaux se terrent, c’est parfois l’occasion d’une hibernation improvisée propice au recueillement.

  Selon Hippocrate, quand les saisons varient, tel ou tel élément prédomine. En hiver selon lui c’est la pituite, la saison des  rhumes. Au printemps, quand la saison est  encore humide et se réchauffe, c'est le tour du sang. En été c’est l’air chaud et sec qui échauffe la bile et aggrave les affections bilieuses et les fièvres. En automne, sec et froid, favorise la bile noire et la mélancolie. Il explique que cette connaissance des saisons est importante pour le médecin qui doit s'en souvenir lors du diagnostic et de l'élaboration d'un traitement.

   Pour lui, qui considérait dans sa médecine les notions de tempéraments, un tempérament plutôt sanguin n'est plus le même au printemps ou en été, en automne ou en hiver. Chaque saison correspondait à un élément : le printemps à l'air, l’été au le feu, l’automne à la terre  l’hiver à  l'eau. Il en concluait que les gens avaient un tempérament sanguin au printemps et flegmatique en hiver.

  Je le cite un peu pour l’anecdote, mais pour aussi montrer que notre bien commun collectif quand il parle de saisons, relie celles ci bien volontiers sur ces approches médicales archaïques , mais c’est plaisant de retrouver un peu de cette alchimie.

  Nous allons bientôt passer à l'heure d'hiver, Le changement d’heure aussi influe le rythme de vie, nous ne voyons pas l’extérieur, l’éxotype avec la même lumière, la même ambiance. De fait cela modifie imperceptiblement notre rapport à l’extérieur et à autrui.

  S’agit il d’une réalité objective ou d’une perception subjective. Mettre en ambiance, en lumière des lieux cela les change t’ils ?

  Différentes expériences effectuées en laboratoire semble le confirmer.

  Notre rapport au réel, est à considérer dans sa réalité ! Quelle banalité évidente, cela veut dire qu’une ambiance da couleur fades peu lumineuses, en plus du fait que le froid nous oblige à nous vêtir autrement, fait que sans le vouloir ce même endroit à la même heure, n’est pas le même, et si dans notre mémoire nous n’en avons gardé un souvenir d’affect, cet endroit si familier, pourra nous paraître inconnu voire hostile.

  Tout est affaire de perception, c’est pour cela qu’en démarche Psychanalytique, à la différence de nombreuses autres disciplines, c’est la valeur de l’affect et du vécu qui en fait sa réalité objective, et non l’idée que nous pouvons en avoir dans sa représentation intellectuelle, qui elle détachée de la valeur corporelle peut en déformer gravement les perceptions.

  Le conscient ne nous dit il pas «  qu’est ce que l’on est bien ici », alors que…Pas tant que cela  !

  Une question que l’on me pose souvent, c’est l’influence des saisons sur le fait d’envisager une démarche psy. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas l’hiver qui amènerait un afflux massif, mais nous pourrions être surpris de savoir  que l’été présenté comme étant le zénith du tempora héroica, amène beaucoup plus de personnes que l’on ne peut imaginer , nos villes sont désertes ,les familles s’éloignent, les personnes âgées sont seules ,les derniers remparts du quotidien que sont les commerçants fondent aussi comme crème solaire sur les plages !

  Et puis il y a un autre regard décalé qui m’intéresse, par sa poétique portée psychanalytique. C’est l’idée que j’en ai, que chacun porte en lui. La représentation des saisons, dans l’inconscient, le mien, le notre,celui plus collectif (concept que je n’aime pas évoquer d’ailleurs car je n’y attribue qu’une relative valeur).

  C’est l’image d’Épinal, celle de nos cahiers et livres d’écoliers, cette trace à jamais ineffaçable, inscrite en nous et qui nous fait voyager, rêver. Ce peut être, et les anciens s’en souviendront la fameuse "méthode Boscher" et ses semblables.

  Vous voyez ces enfants « sages et mignons » Qui traversent les saisons, c’est à travers eux que nous apprenons l’alphabet, dans cette formidable méthode syllabique que des intellectuels de l’apprentissage avaient évincé, au profit de la méthode dite globale, quel gâchis, au passage combien de générations d’écoliers sacrifiés au nom d’une méthode dite moins sévère. Ils ont confondu la sévérité et la rigueur ! Enfin pour revenir à ces images, toutes les lettres, ainsi que les règles de grammaire et de conjugaison,  étaient inscrites dans des paysages somptueux faits d’images de ville, comme de campagne au gré des saisons.

  Eh bien notre inconscient fonctionne ainsi à l’évocation des saisons.

  Le printemps c’est l’image des arbres en fleurs, qui n’en sent pas même les odeurs leurs parfums. L’été les plages, les râteaux, les seaux, les pelles, le soleil chaud, trop même parfois, l’odeur de la peau qui exalte un parfum que nulle part ailleurs ne donne. L’automne avec ses belles pommes gouteuses, les arbres faits de couleurs improbables, beautés éphémères qui ne se reproduiront jamais à l’identique. Puis l’hiver avec ces images de contraste, de plaines blanches à perte de vue, de bonhommes de neige, les pères noël souriants dans les grands magasins, la chaussette suspendue au dessus de la cheminée flamboyante qu’illumine un sapin souvent trop décoré.

  C’est ça aussi les saisons. Surtout cela! Je me rend compte dans ma pratique au jour le jour combien nous sommes nourris de ces merveilleuses images que nous n’avons jamais réellement vécues mais qui sont en nous, font parti de notre patrimoine, et nous font rêver , telle l’œuvre magique et magnifique  de Vivaldi.

  Invoquer la notion de saison, la puissance évocatrice nous en  submerge aussitôt, chacun à fabriqué son imaginaire dedans. Souvent les réconforts, souvent les endormissements s’organisent autour de ces images « saisonnales » faites de réalités vécues, et de ces fameuses images de rêves. Je constate sur le divan et au court des entretiens combien l’endormissement le soir est possible grâce à elles, et combien aussi des moments de peine sont pansé grâce à ces images porteuses d’espoir.

  L’espoir c’est surtout cela ! Les saisons sont la roue de la vie, les saisons sont un des éléments marquants de notre horloge humaine. Nous ne pouvons y échapper ni comme à l’heure, c’est du temps, mais du temps plus long, à l’échelle de notre vie , mieux observable que l’heure qui tourne avec l’aiguille autour du cadran.

  Les saisons c’est comme la loi, nul ne peut y échapper, et c’est tant mieux, cadeau de la vie ! Elles nous donnent ainsi un rapport à l’éternité. A notre vie surtout au temps qui passe. Les saisons sont des repères dans nos souvenirs pour nous rappeler notre âge, les images de nos parents ,de nos proches qui apparaissent autour du prunier, en fleur, rempli de  fruits, juste avant que les feuilles n’en tombent.

 
  C’est un marqueur personnel intime, comme une grâce du vivant !


                                           "Les saisons, ça ne se discute pas."


Raymond Queneau « Les Derniers Jours »



1 commentaire:

  1. Les saisons sont. L'être humain est dans la nature. Les sens perçoivent. Le cerveau traduit, déforme. Mais que de poésie quand tout va bien et que l'harmonie règne.
    PhG

    RépondreSupprimer